🎧 Rap français et reggaeton : des connexions possibles ?

Révolution Reggaeton
4 min ⋅ 12/01/2024

👋 Hola ! Avant de commencer ce numéro, je vous souhaite une très belle année 2024 🎉. Ce vendredi, on s’intéresse à la question de l’influence (ou non) du reggaeton sur le rap français, au concert historique de Tainy à Porto Rico et à la co-fondatrice du neoperreo Lizz. Bonne lecture 💌

Rap français et reggaeton : des connexions possibles ?

J’ai passé mon nouvel an 2024 à la « Ram Pam Pam Reggaeton Party », à Paris. Une soirée full reggaeton… à quelques chansons près. Entre deux morceaux de Bad Bunny, c’est le titre « Pookie » de Aya Nakamura qui a résonné dans l’immense sous-sol. Un choix pas si étonnant : le hit de la star française emprunte aux rythmiques du reggaeton. « On a décidé de faire une partie B [...]. C’était un mélange des soirées dancehall à l’époque et puis la nouvelle vague, qui était le reggaeton, mais un peu 2018 », expliquait le compositeur Machynist à Mouv’, à propos de la création du titre, en 2019.

Dans la musique française dite « urbaine », plusieurs artistes ont en effet introduit des rythmiques proches du reggaeton dans certains de leurs titres ces dernières années. À commencer par des stars du rap français, comme Jul ou PNL par exemple. « Un des vecteurs qui a fait que des artistes français se sont intéressés au reggaeton, c’est quand de grosses personnalités de pop internationales ont sorti des titres avec des artistes du genre », m’éclaire Dj El Dany au téléphone, spécialisé dans les musiques latines depuis une vingtaine d’années et fondateur de La Rumba Latina.

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Le spécialiste cite le rappeur Booba comme un précurseur, pour son titre « G-Love » en collaboration avec le Portoricain Farruko en 2015. « C’est un des vrais premiers titres de rap français chanté avec une prod’ reggaeton pure. Le titre n’a pas été aussi connu mais il a donné une ouverture », souligne-t-il. « Ça a permis aux artistes de renouveler leur identité tout en maintenant un style urbain », poursuit-il. En 2018, le média Booska-P dédie ainsi un dossier à la culture latine dans le rap français et attribue au succès de Jul ses emprunts aux reggaeton.

J’ai l’impression que ça n’influence pas le rap français (Robin Vincent)

« C’est quand même très rare des artistes où ce sont des vraies prods pure reggaeton », signale cependant Dj El Dany. Un avis partagé par Robin Vincent, fondateur du média JetLag et directeur artistique chez The Orchard : « J’ai cru il y a deux, trois ans à un boom des rythmiques de reggaeton dans le rap et le RnB français que ce soit avec Aya Nakamura ou dans le rap marseillais, avec notamment une sorte de dembow revisité par Jul mais ça s’est rapidement essoufflé ». « J’ai l’impression que ça n’influence pas le rap français », appuie-t-il au téléphone.

Pour le passionné, l’explication réside surtout dans le fait que le reggaeton reste encore une musique de niche dans l’Hexagone. « À chaque fois, le rap français va être influencé par des courants américains ou anglais, plus que par des courants latinos », ajoute-t-il. Résultat : le genre musical ne réussit pas à infuser le rap français malgré leurs codes en commun.

À Porto Rico, beaucoup de gens vont émettre les mêmes critiques que la société française va émettre sur le rap (Dj El Dany)

« À Porto Rico, beaucoup de gens vont émettre les mêmes critiques que la société française va émettre sur le rap français […]. Les reggaetoneros ne sont pas forcément appréciés de toute la population : certains sont des anciens délinquants, des mecs de quartiers populaires, qui vont parler un espagnol de la rue », rappelle Dj El Dany. « Dans le versant rap et RnB, il y aura toujours des gens qui ont envie de danser et donc des rythmiques dansantes qui peuvent faire que le reggaeton peut revenir dans le rap français », complète Robin Vincent.

Le fondateur de JetLag identifie plusieurs facteurs qui pourraient amener à une réelle connexion entre les deux genres musicaux. « Ça peut être un artiste de reggaeton hyper influent ou grâce à des producteurs », met-il en avant. Reste à surveiller les prochaines inspirations de nos rappeurs·euses français·es…


Entre deux tracks

🗞️ L’actu de ces quinze derniers jours : Tainy est devenu le premier producteur à remplir le Colisée de Porto Rico, l’une des salles de concert les plus importantes de l’île, le 5 janvier dernier. Devant 16 000 spectateurs, l’artiste phare de l’année 2023 a joué en live son premier album solo Data. Bad Bunny, Young Miko, Arcángel ou encore Álvaro Díaz : les stars du genre étaient nombreux·euses à avoir fait le déplacement pour le rejoindre sur scène. Une juste reconnaissance pour le producteur portoricain.

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💃 Où aller danser dans les 15 prochains jours  ? Les premières soirées reggaeton de l’année se tiennent en Bretagne. JetLag commence 2024 à Rennes, à l’Espace Club (45 boulevard de la Tour d'Auvergne) vendredi 19 janvier. Une soirée à 12 euros pour du « reggaton new school, old school, dembow, neo perreo ». Le même soir, le bar São, à Nantes (21, quai des Antilles) accueille le collectif Muevelo, originellement basé à Paris. L’entrée, ici, est libre.


L’artiste : DJ Lizz, aux sources du neoperreo

Dj, productrice, compositrice, chanteuse… Lizz – Elisa Espinoza de son vrai nom – s’affiche comme une artiste multi-casquettes. C’est elle, surtout, qui a co-fondé avec Tomasa del Real il y a quelques années le neoperreo, ce sous-genre du reggaeton aux sonorités électro. « Le neoperreo permettait de danser le reggaeton aux personnes alternatives, aux queer, aux gens qui ne pouvaient pas aller dans des boîtes 100 % hétéro », expliquait-elle au micro d’Arte Tracks en octobre dernier. Dans ce même documentaire (que je recommande vivement), elle faisait valoir : « Je me considère la sainte patronne du perreo ». Originaire du Chili, Lizz commence sa carrière en 2012 en mixant trap et reggaeton. « Un producteur m’a invitée à jouer […]. À partir de là, je n’ai plus jamais arrêté, l’année suivante, en 2013, j’ai commencé à mixer et à produire des soirées », racontait-elle à Vice en 2014. Dans ses morceaux (« La puteria »), ses remixes comme à travers son identité visuelle, Lizz renverse le stigmate de la putain et revendique une forme d’empowerment. À l’été 2023, elle pose ainsi pour le magazine PlayBoy México. « Embrassez votre corps, votre esprit, votre prise de pouvoir. Pour moi, c’est ça aussi mon OnlyFans, c’est ça mon PlayBoy et c’est aussi ça être une femme dans l’industrie de la musique », soulignait-elle dans le podcast Perreo31 en août 2023. Pour la suite, la star du neoperreo a de beaux projets devant elle. Après avoir sorti un nouvel EP de remixes fin décembre, elle prépare son premier album en tant que chanteuse. Et pour celles et ceux qui souhaitent la découvrir sur scène, Lizz est à l’affiche des Eurockéennes de Belfort, le 6 juillet prochain.

La playlist… des essentiels rap français/reggaeton

  • « Copines », Aya Nakamura (2018) : Le hit de la star française est bercé par des rythmiques de reggaeton. Aya Nakamura a d’ailleurs collaboré à plusieurs reprises avec des reggaetoneros (On apprécie « T’as peur » avec Myke Towers dans son dernier album).

  • « Señora », Jul (2014) : « Au calme sur du reggaeton » chante Jul dans « Avec la chapka ». Le rappeur ne fait pas qu’apprécier le genre musical : sa prod’ en est ici largement influencée.

  • « Bené », PNL (2016) : C’est un air de reggaeton que le duo avait choisi pour le single phare de son album Dans la légende. Les deux frères réitèrent en 2019 avec « Hasta la vista ».

Bonne écoute ! 📀

👋 C’est la fin de cette édition ! Je vous donne rendez-vous dans 15 jours, le 26 janvier prochain, pour encore plus de reggaeton. D’ici là, pour toutes questions ou recommandations, n’hésitez pas à me contacter par mail (ugu.lola@gmail.com). À très vite ! :)

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Révolution Reggaeton

Par Lola Uguen

Moi, c’est Lola, j’ai 23 ans et je suis étudiante en journalisme. J’ai grandi près de Brest, à des milliers de kilomètres des Caraïbes. Et pourtant, il y a trois ans, je suis devenue accro à une chanson passée sur Skyrock : « Dákiti ». Du reggaeton. Quelques mois plus tard, je me suis envolée en Espagne pour un Erasmus. Là-bas, le reggaeton est partout : dans les boîtes de nuit, les centres commerciaux, à la radio et dans les festivals. C’est devenu mon genre musical préféré.

Le titre « Dákiti » ne vous évoque peut-être rien, mais vous avez sûrement déjà entendu le nom de son interprète. Il s’agit de Bad Bunny. De 2020 à 2022, il a été l'artiste le plus écouté au monde sur Spotify. En France, la culture reggaeton se développe aussi : des collectifs se créent, les soirées sont de plus en plus nombreuses.

Avec Révolution Reggaeton, je vous propose de découvrir ce genre musical venu de Porto Rico, et de se pencher sur son influence un vendredi sur deux. Au programme : des sujets autour de l’ampleur que prend le reggaeton, des actus, un·e artiste à découvrir et une mini-playlist.