Ay Papi, il n'y a pas que Daddy Yankee qui a fait le succès de Gasolina

Révolution Reggaeton
4 min ⋅ 09/02/2024

👋 Hola ! Ce vendredi, on s’intéresse à ces voix de femmes qu’on entend dans tous les hits de reggaeton des années 2000 (« Gasolina » en tête) mais qu’on connaît trop peu. On parle aussi d’amour à quelques jours de la Saint-Valentin. Au menu : les meilleurs soirées pour célébrer votre passion (ou votre célibat) et une playlist pour déclarer sa flamme. Bonne lecture 💌

Elles ont été les voix emblématiques du reggaeton old school

Depuis ma rencontre avec Adrien Vanbocquestal (lire le numéro précédent), je me suis beaucoup replongée dans le reggaeton des années 2000 et de ses premiers succès. « Noche de Travesura », « Baila Morena », « Rakata », « Gasolina », « Saoco »… Dans la plupart de ces titres, une voix de femme donne en quelques mots la réplique au reggaetonero. « C’est l’une des marques de fabrique des hits des années 2000 », me confirme Patricio Josué Velarde Dediós, en visio. Sauf que ces femmes n’ont pas - ou peu - été créditées.

Le sociologue péruvien s’est intéressé en 2021 à la présence vocale féminine dans 363 chansons de reggaeton old school. Il y pointe l’invisibilisation des femmes dans un article scientifique à ce sujet. « Il y a plusieurs façons d’utiliser la voix, la plupart du temps, il s’agit de répondre au refrain », dépeint-il. Ce dernier note aussi des gémissements ou des interjections. En général, ces voix féminines se limitent en effet à l’expression d’un désir sexuel pour le reggaetonero.

Papi, dame lo que quiero (Jenny « La Sexy Voz », dans « Rakata »)

« J'ai juste été payée pour ces chansons, mais je n'ai jamais reçu de royalties », témoigne en 2016 Jenny « La Sexy Voz » auprès du média Remezcla. La chanteuse a posé sa voix sur des dizaines de titres de reggaeton. Dans son étude, Patricio Josué Velarde Dediós ne compte que 21 chansons où la collaboration d’une artiste féminine apparaît dans les crédits. « Les cas sont peu nombreux. J’ai identifié trois facteurs : les relations de parenté, une dynamique romantique dans la chanson ou que l’artiste ne soit pas une reggaetonera », indique-t-il.

Les chanteuses Jenny « La Sexy Voz » et Glory – ce sont les plus reconnues aujourd’hui - ont pourtant largement contribué au succès du reggaeton des années 2000. « Ces voix désincarnées ne se contentaient pas de jouer le rôle de la nana sexuellement soumise, elles étaient souvent ce qui rendait un hymne perreo populaire », aime à rappeler la critique musicale américaine Isabelia Herrera, qui s’intéresse de près au genre musical.

Donde hubo fuego ceniza’ quedan (Glory, dans « Donde hubo fuego »)

Les deux artistes ont d’ailleurs chacune lancé leur propre album de reggaeton. Glory sort Glory en 2005 - dans une scène encore très masculine - et Jenny « La Sexy Voz » La Sexy en 2014. Les titres des disques font à chaque fois référence à leur nom d’artiste, comme un appel à ce que l’on se souvienne d’elles. « Le premier et unique disque de Glory a eu un certain succès », souligne Patricio Josué Velarde Dediós.

Le sociologue poursuit : « Je crois qu’aujourd’hui les voix de femmes sont moins utilisées de cette façon ». « La dernière fois où beaucoup de personnes se sont indignées, c’est avec ‘‘Yo perreo sola’’ de Bad Bunny en 2020. C’est une artiste [Nesi] qui a fait le refrain et elle n’apparaît pas dans les crédits du titre alors que c’est une chanson féministe. Elle avait expliqué son point de vue en disant qu’elle n’avait fait que chanter », se souvient-il. Les artistes féminines sont en effet de plus en plus présentes sur le devant de la scène reggaeton ces dernières années, ce qui participe à leur reconnaissance. « Elles ont désormais leurs propres carrières », appuie le sociologue. Les choristes sont devenues des bichotas.


Entre deux tracks

🗞️ L’actu de ces 15 derniers jours : Le prix du meilleur album de « musique urbaine » a été décerné à Karol G dimanche aux Grammys Awards 2024 pour Mañana Será Bonito. « C'est la première fois que je participe aux Grammys, et c'est la première fois que je tiens mon propre Grammy », s’est-elle réjouie sur scène. La star colombienne affrontait dans la même catégorie Rauw Alejandro pour Saturno et Tainy pour Data (c’est sur cet album que j’avais de mon côté parié). Mais aucun des deux artistes n’aura réussi à ravir la récompense à celle qui collectionne les trophées depuis la sortie de son album.

🖊️ À noter aussi : The Washington Post s’intéresse, dans un long format très visuel, à comment le reggaeton a conquis en quelques années la musique pop à l’échelle mondiale. Au travers d’interviews vidéos avec des stars du genre et d’extraits musicaux, le quotidien américain retrace l’histoire du reggaeton et de sa diffusion, jusqu’à dessiner ses contours futurs. C’est passionnant et c'est à lire ici (l’article est disponible en anglais et en espagnol).

💃 Où aller danser dans les 15 prochains jours ? A l'approche de la Saint-Valentin, les collectifs reggaeton de la capitale célèbrent l’amour. L’agence événementielle Mamacita Productions donne rendez-vous demain soir au Terminal 7 (1, place de la porte de Versailles, Paris) pour sa « Casa del Amor » (à partir de 18 euros). La « Gasolina del Amor » de JetLag (à partir de 16 euros) promet, elle, une soirée « emplie des plus beaux reggaeton romanticos et perreos tristes » vendredi 16 février, au Petit Bain (7, port de la Gare, Paris).


L’artiste : Glory, « la dueña de los coros »

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Révolution Reggaeton

Par Lola Uguen

Moi, c’est Lola, j’ai 23 ans et je suis étudiante en journalisme. J’ai grandi près de Brest, à des milliers de kilomètres des Caraïbes. Et pourtant, il y a trois ans, je suis devenue accro à une chanson passée sur Skyrock : « Dákiti ». Du reggaeton. Quelques mois plus tard, je me suis envolée en Espagne pour un Erasmus. Là-bas, le reggaeton est partout : dans les boîtes de nuit, les centres commerciaux, à la radio et dans les festivals. C’est devenu mon genre musical préféré.

Le titre « Dákiti » ne vous évoque peut-être rien, mais vous avez sûrement déjà entendu le nom de son interprète. Il s’agit de Bad Bunny. De 2020 à 2022, il a été l'artiste le plus écouté au monde sur Spotify. En France, la culture reggaeton se développe aussi : des collectifs se créent, les soirées sont de plus en plus nombreuses.

Avec Révolution Reggaeton, je vous propose de découvrir ce genre musical venu de Porto Rico, et de se pencher sur son influence un vendredi sur deux. Au programme : des sujets autour de l’ampleur que prend le reggaeton, des actus, un·e artiste à découvrir et une mini-playlist.